Est-ce qu'aujourd'hui, on peut être amis avec quelqu'un qui ne partage pas nos valeurs ?
Alors, c'est vrai qu'on a tendance, en général, à penser que les amis doivent nous ressembler, non pas seulement dans notre personnalité, mais aussi dans les valeurs qu'on partage, dans les idées, les croyances qu'on peut avoir.
Il y a cette idée que la similitude, la ressemblance serait une condition de l'amitié.
Et ça, justement, ça vient de cette conception antique.
Je parlais d'Aristote, mais en fait, Platon, Cicéron ont cette même idée générale que l'amitié est un peu une forme de relation spéculaire où l'autre est un miroir de nous-mêmes, est une image idéale de nous-mêmes.
Et à partir du moment où ce n'est plus le cas, où ce n'est pas le cas, il n'y a pas d'amitié.
Moi, je crois que l'amitié peut faire place à une différence, voire une très grande différence.
On connaît la phrase de Montaigne sur son ami la Boétie « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».
Ici, ce qu'il veut dire, c'est qu'ils sont amis pas seulement parce qu'ils se ressemblent, c'est pas ça qui est important. « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ».
Ici, l'amitié, ce n'est pas une relation au miroir, c'est une relation de deux singularités qui se rencontrent et qui s'accordent.