Eugène de Rastignac avait un visage tout méridional, le teint blanc, des cheveux noirs, des yeux bleus.
Sa tournure, ses manières, sa pose habituelle, dénotaient le fils d’une famille noble, où l’éducation première n’avait comporté que des traditions de bon goût.
S’il était ménager de ses habits, si les jours ordinaires il achevait d’user les vêtements de l’an passé, néanmoins il pouvait sortir quelquefois mis comme l’est un jeune homme élégant.
Ordinairement, il portait une vieille redingote, un mauvais gilet, la méchante cravate noire, flétrie, mal nouée de l’étudiant, un pantalon à l’avenant et des bottes ressemelées.
Entre ces deux personnages et les autres, Vautrin, l’homme de quarante ans, à favoris peints, servait de transition.
Il était de ces gens dont le peuple dit : « Voilà un fameux gaillard ! » Il avait les épaules larges, le buste bien développé, les muscles apparents, des mains épaisses, carrées et fortement marquées aux phalanges par des bouquets de poils touffus et d’un roux ardent.
Sa figure, rayée par des rides prématurées, offrait des signes de dureté que démentaient ses manières souples et liantes.
Sa voix de basse taille, en harmonie avec sa grosse gaité, ne déplaisait point.
Il était obligeant et rieur.
Si quelque serrures allaient mal, il l’avait bientôt démontée, rafistolée, huilée, limée, remontée, en disant : « Ça me connait. » Il connaissait tout d’ailleurs, les vaisseaux, la mer, la France, l’étranger, les affaires, les hommes, les événements, les lois, les hôtels et les prisons.